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Qui veut gravir la montagne commence par le bas
3 novembre 2010

Novembre, les homos et la BBC

Ce matin midi, j’étais assise dans ma cuisine, près de cette table en formica blanc défoncée qu’Elvina s’applique consciencieusement à finir de détruire chaque fois que nous avons de longues discussions, où comme chacun sait, certains fument, d’autre dessinent, tripotent un stylo, réduisent en miettes un bout de papier, se chauffent les mains autour d’un verre et j’en passe… Elvina, elle défonce la table avec tous les objets qui lui passent sous la main. En fumant ma première cigarette, je regardais les feuilles tomber dans la grisaille brumeuse, garnissant les alentours des tonnes de « blocks » qui entourent le nôtre d’un tapis jaune et marron. Et j’écoutais BBC world. La radio c’est encore le meilleur truc pour choper des mots dans une langue étrangère, avec la bonne prononciation, parce que bien sûr toutes les langues ne sont pas aussi sympas que l’espagnol. J’ai mis deux semaines à prononcer à peu près bien « schedule » (programme). Entrainez vous, interro orale quand je rentre.

Et puis pile à ce moment là, BBC world a décidé de passer un reportage de 20 minutes sur El Dia de los Natitas, The Day of the Skulls, le jour des Crânes donc. Tous les 9 novembre, le plus grand cimetière de La Paz en Bolivie devient le lieu d’une immense célébration syncrétique, puisque bien sûr l’Eglise est un élément important du bazar, où les gens font des offrandes aux morts par le biais de leurs crânes.

Natitas_festival7

Ils leur demandent de les protéger et d’exercer leurs vœux, les morts étant considérés comme des esprits présents un peu partout. Lire dans le genre le méga génial super trop cool bouquin d’Isabel Allende La maison aux Esprits. Certains crânes comme Victor, sont des célébrités nationales. Bref. Je ne connaissais pas l’existence cette fête, malgré mon année en Bolivie. Bien sûr, le sujet était emprunt, comme souvent, de cette vision agaçante de l’occidental émerveillé et un peu choqué à la fois par les coutumes locales… Mais c’était tellement étrange ce moment, d’être dans cette cuisine communiste et de regarder toutes ces barres de béton, en écoutant de l’anglais sur fond d’espagnol et de musiques que j’ai tellement écoutées, entendues, aimées. Étrange d’entendre à nouveau la musicalité de cet accent bolivien que je n’entends plus maintenant que je suis cernée par l’espagnol d’Espagne, tellement plus rapide et moins chantant… Étrange de relier ça à ma conversation skype d’hier soir avec Sylvain, qui s’est exilé au Québec depuis deux ans, qui me disait à quel point Halloween est une fête importante outre-Atlantique… Puis revoir Elvina, il y a deux jours, grelottant sur les marches de notre immeuble au cours d’une énième cigarette, m’expliquant à quel point le 1er novembre est important en Lituanie pour fêter les morts, prier, se recueillir. La sociologue interviewée par la BBC expliquait que dans presque toutes les cultures du monde, le mois de novembre était celui des morts. Ici le 1er novembre est un jour comme les autres, parce que je l’oublie trop souvent, mais l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique c'est vraiment nada que ver. Elvina me disait d’ailleurs que je devrais être protestante puisque je me revendique chrétienne et que je ne vais pas à la messe tous les dimanches (Grand-père et Grand-mère, vous apprécierez le raisonnement, sourire…).

Nos discussions s’approfondissent en ce moment ça devient passionnant. On a eu un débat épique sur l’homosexualité (l’homosexualité est-elle naturelle ou non, faut-il parler de l’homosexualité à l’école…). Elle me fait sourire, parce qu’une de ses meilleures amies est lesbienne, elle n’a elle-même aucun souci à l’idée de sortir avec une fille, mais l’idée d’en parler aux mômes la scandalise (« ça va les influencer », tout en me disant que si sa fille est lesbienne elle prendra ça très bien et je la crois totalement). Et elle me raconte à quel point le prêtre qu’elle adore fustige l’homosexualité dans ses sermons, et ça ne la dérange pas plus que ça, puis je lui dis « et ta pote alors ? », « ben c’est pas pareil c’est ma pote ». Je me rends compte que je raconte mal, Elvina est une fille formidable qui n’a que 19 ans et un père raciste et homophobe qui a failli faire un malaise le jour où elle est revenue avec les cheveux rouges. Elle a lutté contre sa famille entière pour venir un an au pays des « gypsies ». Elle reconnaît bien volontiers l’influence de son père sur ce type de sujet, et compte tenu de l’étendue de l’influence du mien sur moi à son âge (et encore maintenant et toujours ne nous leurrons pas, un bisous mon papa :P), je la trouve vachement bien partie. Vient le sujet de la gaypride. Elle me disait qu’en Lituanie, avant l’entrée dans l’Union Européenne en 2004, personne ne parlait des droits humains type droits de l’homme, droits de la femme et des enfants, et qu’après tous les politiciens ont commencé à parler de ça sans arrêt. Elle m’a raconté la gaypride à Vilnius : 300 mecs autorisés à manifester, entourés par des barrières et des tonnes de flics pendant que des contre-manifestants beaucoup plus nombreux dont de nombreux politiciens les injuriaient à qui-mieux-mieux. J’ai glané ça sur wiki : « En 2009, la Lituanie est vivement critiquée par l'Union Européenne lors de l'adoption au Seimas le parlement lituanien, d'un amendement à la loi sur la "protection des mineurs" pour interdire dans le pays tout propos favorable à l'homosexualité. Cet amendement considère en effet que toute information publique évoquant favorablement l'homosexualité a des conséquences néfastes sur le développement physique, intellectuel et moral des mineurs ». Voir aussi cet article du Point. Ewa, polonaise, qui écoutait la conversation, disait qu’en Pologne c’était sensiblement la même chose. Les deux confirmaient que là-dessus, la religion et le communisme combinés (bien que le communisme ait tout fait pour écraser la religion, il était pas meilleur qu’Hitler avec les homos), ça a laissé des traces visibles dans les esprits des gens.

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