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Qui veut gravir la montagne commence par le bas
2 septembre 2007

Cathy, Flo et Adé

Je ne vous en ai pas encore parlé, mais ces trois personnes vont prendre une place incroyable dans ma vie dans les mois qui viennent, j’en suis intimement convaincue. Ils viennent tous de Nantes et habitent tous dans mon immeuble. Cathy et Flo (Florian), sont le couple de français que j’ai croisé à la va vite la première fois que j’ai visité mon appartement. Le soir de ma première nuit chez moi, j’ai recroisé Cathy en aménageant. On s’est promis de faire connaissance le soir. Je suis montée chez eux et ils étaient absents, j’ai donc laissé un mot et ils ont débarqué une heure après, et sont restés jusqu’à 3h du mat alors qu’ils avaient cours le lendemain. Ils m’ont expliqué la Bolivie profonde, l’université publique qui accueille un public qui va des cholitas (femmes typiques d’ici avec jupes nattes et chapeaux), aux vieux briscarts de 50 piges qui recommencent des études. Dans leur fac, personne n’a d’ordinateur, personne ne fume, les élèves viennent parfois avec leurs enfants en cours. Ils m’ont enseigné, les courses au marché, le machisme ambiant délirant dans une société que je croyais profondément matriarcale, les sifflements constants dans la rue quand passe une européenne, les taxis qui ont deux klaxons, un normal et un pour siffler les filles, les heures où il ne faut plus rentrer seule à pied… Bref Cathy et Flo m’ont ouvert leur Bolivie à eux, très différente de la mienne puisque ma fac est privée et que mes Boliviens français sont complètement de notre monde. Ils m’ont dit leur incapacité à avoir des amis masculins, trop de machisme, et leur étonnement de ne pouvoir être eux même qu’avec des gens profondément exclus de la société bien pensante bolivienne : un couple de lesbiennes adorables que j’ai rencontré le lendemain : Yomara et Angelica, une artiste un peu danseuse, qui travaille la nuit dans les bars, pas mariée à 29 ans et complètement rejetée par sa famille : Shirley. La Bolivie m’apparaît avec eux sous un jour que je ne connaissais pas, mais que je veux comprendre.

Le lendemain, c’est à dire avant-hier, j’ai été passé la soirée chez eux avec Adé (Adélaïde), une métis, française aussi. Cette fille est folle dans le bon sens du terme, et tellement attachante…  Elle a déjà beaucoup vadrouillé aussi, elle est du genre à ne pas croire au couple et à profiter de la vie. Tout ce petit monde fume des joints, j’ai d’ailleurs remarqué que la coco est ici beaucoup plus courante chez les fumeurs de joints qu’en France, normal, c’est le même prix. Je suis ravie, Cathy et Flo sont du genre à ne pas y toucher même si leurs potes le font, nous sommes donc complètement sur le même longueur d’onde. Tout ce petit monde fume donc des joints, a arrêté la clope il y a peu et s’y tient, récite Astérix et Cléopâtre par cœur et bourré, se tord de rire pendant une demi heure à l’évocation du blond de Gad Elmaleh, joue de la guitare, refait le monde, est né en 86, et surtout, surtout et ça… merci, surtout, voient les voyages, la Bolivie, la vie ici et notre position d’européen expatrié dans un pays en développement exactement de la même manière que moi. A eux je peux leur parler d’Afrique, ils vont comprendre, d’un regard. Je peux leur dire que oui, le coca en France c’est pas celui d’ici, et que boire dans une bouteille en verre consignée le coca au goût de mon enfance, ça me plonge dans un monde profondément enfoui qui voulait ressortir.

Hier soir, nous passions de nouveau la soirée ensemble tous les quatre, comme si nous étions voisins depuis dix ans. Je comprends maintenant la formation tellement rapide du groupe latino à Lyon. A l’étranger, passer du temps avec des gens qui nous ressemblent, et qui nous ressemblent d’autant plus qu’ils sont précisément là où on est en même temps que nous, c’est nécessaire, ça fait du bien, et ça créé des liens démentiels.

Nous avons commencé par aller dans un petit bar très sympa, (là encore pour les photos faudra attendre), où nous avons rejoint plus ou moins la petite communauté française de notre âge… Un peu de tout : une française ici depuis quinze ans qui a fait un échange universitaire et qui n’est jamais revenue, des gens de passage pour quelques jours, quelques mois… des amis d’amis, des gens d’un peu partout et de nulle part à la fois, s’exprimant tous en français. Après une bouteille de bière à un euro, Flo est rentré et Adé, Cathy et moi avons migré une cuadra (un coin de rue) plus loin, pour aller dans un autre bar : le bateau ivre. Cathy et moi avons alors commencé le genre de discussion qui ne se termine qu’à 6h du matin, après des tonnes de bière mais sans être complètement mortes. Nous avons parlé de nous, de nos mamans, de nos départs, de nos amoureux… Je lui ai raconté Arthur, la difficulté d’être loin et d’être bien, notre rencontre, notre histoire de fou… Elle m’a raconté Flo et ses années d’amitié avec lui, leurs voyages, leur colocation, son côté torturé. Toute la nuit nous avons été des filles tellement contentes de rencontrer une autre fille sans préjugé et tellement compréhensive puisqu’on vit la même chose dans le même pays. Ca fait du bien d’avoir une copine vers qui déverser son trop plein d’émotions et d’inquiétude. Personne ne peut savoir ce qu’est un départ s’il n’est pas parti. Nous avons bu des litres de bière, chanté « commandante Che Guevara » avec le bar entier, taper dans nos mains pour accompagner José, un luthier sexagénaire pétillant et respectueux qui nous a dédicacé des chansons improvisées sur sa mini guitare. Nous sommes rentrées et avons fini la nuit dans ma chambre avec Shirley et Adé rencontrées sur le chemin du retour. Mon chez moi ne pouvait vraiment pas tomber dans un meilleur endroit.

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